Les Orages et la Grêle en Vendômois

Suite aux dévastateurs événements météorologiques qui frappèrent ce lundi 17 juin 2013 Vendôme et  sa région, la reprise d’un ancien article déjà  publié(1) par Jean-Claude Pasquier  s’imposait tout naturellement. C’est ainsi que les différentes  archives locales alors consultées, concernant les XVIIIe et XIXe  siècles, faisaient mention des plus violents orages parfois accompagnés de grêle, car ces deux phénomènes sont souvent liés. Ces quelques exemples parvenus jusqu’à nous avaient, de toute évidence, impressionné les témoins directs par leur ampleur mais surtout par les dégâts qu’ils occasionnèrent.

foudre-eclair

Ainsi, le premier témoignage retrouvé fut consigné par le curé Régnard de la paroisse de Naveil et se rapporte au terrible orage du 16 juillet 1735. Durant un jour et une nuit, la pluie, alternant avec la grêle, tomba en un véritable déluge. Les ruisseaux et les rivières s’enflèrent horriblement et formèrent des torrents qui emportèrent en maints endroits les blés, les maïs et les foins. La grêle, à elle seule, causa de bien plus grands dommages encore et ravagea la majeure partie de l’Élection de Blois, Vendôme, Châteaudun et de Chartres. Plus de cinquante paroisses furent partiellement ruinées. Localement, celles de Renay, la Ville-aux-Clercs, partie de Pezou, Baigneaux, la Chapelle-Enchérie et Sainte-Gemmes furent incontestablement les plus touchées ; pas un épis ne fut épargné. Selon le curé Régnard, des prières publiques furent alors dites dans tout le royaume et les pluies continuelles qui compromettaient déjà, depuis deux mois, les prochaines moissons, cessèrent au mois d’août suivant.
Le 6 juillet 1742, Montoire subit un violent orage d’une vingtaine de minutes. Il tomba une telle quantité de grêlons gros comme des œufs de poules, si l’on en croit le curé Derume de Saint-Laurent, que toutes les vignes, les blés, l’orge et l’avoine, furent irrémédiablement perdus. Bien plus, les vitres exposées au vent volèrent en éclats et de nombreuses toitures de tuiles et d’ardoises furent brisées.  Et le prêtre de conclure : … L’orage a été tel qu’on a cru à la fin du monde...
En 1762, toujours en juillet, mais à Vendôme cette fois, la foudre tomba sur le clocher de la Trinité projetant au loin la croix de fer qui le surmontait et causa de sérieuses dégradations à la flèche et aux bâtiments environnants. Le montant des réparations sans doute très importantes s’éleva à 60 louis-or.
L’année 1774 fut fatale à la paroisse de Houssay. Elle essuya un terrible orage au mois d’avril qui anéantit la plupart des récoltes, même celles des foins. Des torrents d’eau, de boue et de sable ravinèrent les terres ensemencées et  les prairies. Il en coûta beaucoup pour les faire enlever par la suite.
Dans la seule journée du 4 août suivant, le village et ses environs essuyèrent à nouveau sept orages. Ils commencèrent dès le matin, sans plus de détails. Un autre éclata vers deux heures de l’après-midi, sans tempête, seulement accompagné de grêle grosse comme des œufs (sans autre précision) qui, semble-t-il, n’occasionna guère de dégâts n’étant point poussée par le vent. Entre quatre et cinq heures du soir, le dernier orage, sans doute le plus violent, donna d’abord de la grêle, puis bientôt d’énormes quantités d’eau. Les deux phénomènes conjugués firent un mal considérable dans toute la paroisse surtout dans sa partie méridionale. Les céréales et la vigne eurent à souffrir énormément de cette nouvelle calamité. Les grains non moissonnés furent perdus et les vendanges guère plus rentables.
La grêle n’épargna pas plus la paroisse voisine de Sasnières. Elle fit aussi d’affreux ravages dans plusieurs parties du Perche ainsi que dans plus de 25 paroisses de la Beauce en direction de Paris.
À la date du 23 août 1807, Jean Clément, un ouvrier vendômois, note dans son journal : Terrible orage dont on se souviendra longtemps.  l a pris à trois heures de l’après-midi et la grêle fut monstrueuse. On fut un quart d’heure dans une situation terrible. La grêle était grosse comme des noix et la foudre qui l’apporta était si forte qu’il y eut pour le moins un tiers des croisées de la ville de Vendôme de cassées et de broyées en morceaux. Il y eut des commissaires de nommés pour évaluer la perte ; elle monta à plus de 200 000 francs ; jamais on avait vu pareil orage dans le pays.
Toujours à Vendôme, un orage d’une rare intensité s’abattit sur la ville samedi 2 mai 1818. La nuée obscurcissant le ciel, entre quatre et cinq heures de l’après-midi, finit par crever avec la plus grande violence. C’est alors que la foudre atteignit, dans un horrible fracas, la grande croix qui surmontait la flèche du clocher de l’abbaye, l’a brisa en une cinquantaine de morceaux et détruisit 20 à 25 pieds (soit 6 à 8 m) de cette flèche. Les pierres en tombant d’une telle hauteur causèrent de graves dommages à plusieurs autres parties du clocher. Les matériaux crevèrent le toit du quartier de cavalerie du côté de l’église là où précisément se tenait le corps de garde ouvrant sur le parvis. Le cuirassier du 3e régiment Victor André Gaillandre, âgé de 19 ans, fut tué et quatre autres furent blessés dont un grièvement mais qui en réchappera. La foudre frappa encore en plusieurs endroits l’édifice (s’agit-il ici du clocher, de l’église ou du quartier de cavalerie ? Nul ne sait).
La détonation du coup de tonnerre fut si forte que toutes les vitres des croisées de la sous-préfecture (établie alors au pied du clocher dans l’ancien bâtiment conventuel ouest), du côté de la cour (le cloître), furent brisées ainsi qu’au quartier (qui deviendra le quartier Rochambeau en 1886) et dans plusieurs maisons environnantes. Et M de Beaumont, 4e sous-préfet de Vendôme, d’ajouter : …On ne sonne point afin d’éviter les accidents qui pourraient résulter de l’ébranlement qu’occasionnerait le mouvement des cloches.
Le 15 juillet 1882, une bonne partie du Vendômois était  touchée à son tour. Engendrée par un redoutable orage se déplaçant du sud-ouest au nord-est dès trois heures de l’après-midi, la grêle, une heure plus tard, produisait ses ravages sur deux bandes parallèles : l’une, au sud de Vendôme, inffligeant aux communes de Saint-Amand et Sainte-Anne de sérieux dégâts, l’autre, au nord, produisant les mêmes effets désastreux  à Villiers, Rahart et Saint-Hilaire-la-Gravelle.
La grosseur des grêlons, fragments de glace très anguleux, fut de 475 g à Pezou, 412 g à Fontaine, 301 g à Villiers, de la grosseur d’un œuf (de poule ?) à Lisle et du poing à Saint-Hilaire.
Les pertes pour l’arrondissement s’élevèrent alors à 2 530 000 francs. Ce qui était considérable.
Suite aux violentes perturbations atmosphériques qui agitèrent la nuit du 2 au 3 juillet 1883 sur Vendôme, M Nouel, professeur de Sciences physiques au lycée, remarquable météorologiste à ses heures, écrit : … C’était le plus remarquable orage que l’on y ait entendu de mémoire d’homme.
Les deux journées précédentes furent chaudes et de sensation orageuse, le lundi surtout (2 juillet), où le thermomètre atteignit 29°,8. Dès huit heures du soir, les premiers éclairs firent leur apparition au nord-ouest. Vers minuit et demi, la pluie commença à tomber et fut accompagnée d’un peu de grêle ; c’est à ce moment que les coups de foudre furent les plus violents qu’il n’était pas douteux que le tonnerre ne tombât à chaque coup. Cette première grosse frayeur d’une demi-heure passée, un second orage, vers quatre heures du matin, s’abattit cette fois sur le nord de Vendôme et plus particulièrement sur Lisle, Fréteval, etc. Des grondements de tonnerre se firent d’ailleurs entendre jusqu’à dix heures, accompagnés d’averses.
Pour la seule ville de Vendôme, pas moins de huit édifices furent ainsi frappés par la foudre : Le clocher de la chapelle et une cheminée du Saint-Cœur, faubourg Chartrain ; le clocher de la Madeleine ; le musée (emplacement de la bibliothèque actuelle) ; le beffroi Saint-Martin, le moulin Lemaire, rue de la Grève et deux maisons contiguës situées à l’entrée de la rue des Quatre-Huyes. Le clocher de la Trinité, contrairement à ce qu’il fût annoncé dans le «Carillon», ne semble pas avoir été touché.
À ces impacts dûment répertoriés devaient s’ajouter neuf arbres foudroyés : un peuplier à Areines et un à Villaria, un peuplier à la «Papeterie» (Courtiras) sur un îlot du Loir et quatre autres dans la vallée de Prépatour ; un arbre à la Bretonnerie (Bois-la-Barbe) et un orme sur la route de Saint-Calais.
D’autres témoignages furent encore relevés intéressant les vignes (cinq cas) et un champ de trèfle entre la Garde et la Tuilerie, un jardin, toujours rue des Quatre-Huyes, une vache à Thoré et une maison à Coulommiers-la-Tour. Quelques éléments imprécis, non confirmés, furent encore rapportés, mais là, le doute subsiste. Pour un même orage, un minimum de 26 impacts de foudre reconnus furent ainsi enregistrés.
Les orages d’hiver peuvent être tout aussi virulents et s’accompagnent le plus souvent de vents impétueux. Les deux exemples qui suivent l’attestent.
Le 2 janvier 1889, à huit heures et demi, alors que le baromètre indiquait 735 mm de pression, un orage d’une violence extrême venant de l’ouest, accompagné de torrents de pluie et de fortes rafales de vent, éclata brusquement. Les intempéries prirent fin trois heures plus tard par une soudaine bourrasque qui causa d’importants dégâts à Areines, Coulommiers et Saint-Amand.
Cette tempête embrassa effectivement une grande partie de la France avec de nombreux sinistres sur les côtes.
Le 12 février 1899, le temps fut anormalement chaud ; le maximum de température atteignit 19°,6. Vers onze heures du matin un orage soutenu par des vents violents soufflant du sud-ouest éclata sur Vendôme. Quelques minutes plus tard, une bourrasque avec de fortes averses devait balayer le Perche vendômois s’en prenant particulièrement aux communes de Lunay, Villiers, Vendôme, Pezou, La Ville-aux-Clercs, Droué, causant au passage d’énormes dommages à Haie-de-Champ (Saint-Firmin-des-Prés) et dans le bois de l’Épau (Lisle).
De 1865 à 1899, six orages locaux furent enregistrés en décembre, neuf en janvier et sept en février.

Jean-Claude Pasquier 

Référence : (1) Le Bas Vendômois, revue d’histoire et traditions populaires, mai 2006, n° 14.

Article paru dans Le Petit Vendômois de septembre 2013