Vers un temps possiblement plus froid fin janvier ?

Après un mois de décembre 2018 relativement doux avec environ +2°C d'anomalie, notre mois de janvier 2019 reste pour le moment de saison à frais sur nos régions avec un temps souvent calme grâce à des conditions anticycloniques récurrentes depuis la fin décembre 2018 près du pays.

Ces derniers jours, vous avez sans doute lu qu'un temps bien hivernal pourrait se mettre en place fin janvier 2019. Mais qu'en est-il réellement ?

Rappelez-vous, fin décembre dernier, nous avions évoqué entre autres un possible effet du réchauffement stratosphérique sur la troposphère pour fin janvier 2019 et donc sur notre temps. Qu'en est-il actuellement ? Le froid va t-il perdurer et s'accentuer ou allons-nous garder des températures relativement proches des moyennes de saison ?

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Evolution du réchauffement stratosphérique

Pour rappel, la stratosphère est une couche de l’atmosphère terrestre située entre 12 et 50 km d’altitude environ et contient la couche d’ozone. Entre 10 et 25 km d’altitude, la température de l’air reste très stable (environ -55°C) alors qu’elle augmente progressivement entre 25 et 50 km d’altitude pour se rapprocher de 0°C. Cette variation de températures s’explique par la présence de la couche d’ozone. En effet, en captant et en bloquant les rayons ultraviolets du Soleil, l’ozone redistribue son gain d’énergie sous forme de chaleur.

La troposphère est située entre 0 et 12 km d’altitude. C’est essentiellement dans cette dernière que se produit tous les phénomènes météorologiques (neige, pluie, orages, etc.).

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Par définition, le vortex polaire (ou vortex polaire stratosphérique) est une importante zone de basses pressions en altitude tournant dans le sens cyclonique et piégeant l’air froid. Il est situé dans la partie basse de la stratosphère près de l’un des pôles géographiques de notre planète.

Le vortex polaire (copyright : NOAA).

Le vortex polaire dépend de la différence de températures entre l’équateur et le Pôle : plus celle-ci est importante plus il sera concentré et fort, à l’inverse, il sera faible et « éclaté ». Ainsi, on retrouve généralement ce vortex polaire en hiver avec des températures inférieures à -80°C en son cœur. En effet, on sait que la couche d’ozone se situe dans la stratosphère et que cette dernière dépend des rayons ultraviolets du Soleil. En été, le Soleil réchauffe le Pôle Nord limitant ainsi la différence de températures avec l’équateur. En hiver, comme les rayons du Soleil ne parviennent plus jusqu’au Pôle Nord, la stratosphère se refroidit considérablement donnant naissance au vortex polaire : les vents d’Ouest stratosphériques, appelés jet stream polaire (vents zonaux), se renforcent et la teneur en ozone demeure faible.

Teneur en ozone et vortex polaire dans l’hémisphère Nord (copyright : NASA).

Parfois en plein hiver, il arrive que le vortex polaire soit malmené par un ou plusieurs réchauffements de la stratosphère (SSW = Sudden Stratospheric Warming). On distingue deux types de réchauffement : les SSW mineurs (impact faible) et majeurs (impact important).

Lors d’un SSW majeur, la stratosphère peut gagner plusieurs dizaines de degrés, déstabilisant voire « éclatant » le vortex polaire en plusieurs parties et changeant le sens des vents zonaux (Ouest –> Est).

Lors de la période hivernale, ces réchauffements viennent de forçages en troposphère ou en mésosphère. Dans la troposphère, si des importantes masses d’air douces et tropicales remontent vers le Pôle Nord, cela fragilise le jet stream qui ondule au lieu d’être rectiligne (ondes de Rossby). Si c’est un SSW majeur, cette « chaleur » peut alors se répercuter vers la stratosphère… Le vortex polaire va alors se déplacer (displacement event) voire se diviser (splitting event). Ce dernier reste le phénomène le plus « extrême » avec une modification totale des vents zonaux.

Displacement Event et Splitting Event. Copyright : Amy H Butler.

Un réchauffement soudain de la stratosphère a donc pour conséquences de modifier la circulation atmosphérique…

Il faut quelques jours à deux semaines en moyenne pour retrouver les répercussions d’un SSW majeur dans la troposphère. Les vents peuvent donc également changer de sens dans la partie la plus basse de l’atmosphère et influencer notre météo. Certains événements de ce type ont donné suite à la vague de froid de février 2012 ou encore à l’hiver froid de 2012/2013 en Europe. Toutefois, une propagation directe des conséquences d'un Sudden Stratospheric Warming vers la troposphère n’est pas forcément systématique : la tropopause (limite de la troposphère et de la stratosphère) peut quelques fois faire « barrage ».

Pour la fin de l'année 2018, comme à son habitude, le vortex polaire, situé dans la stratosphère, était bien solide et concentré près du Pôle Nord.

Copyright : modèle GFS via Météociel (simulation 12z du dimanche 8 décembre 2018).

Vers Noël 2018, un réchauffement brutal de la stratosphère s’est produit (un Sudden Stratospheric Warming = SSW). Sur l’image ci-dessous, on distingue parfaitement bien ce réchauffement vers 10hPa (soit environ 30 km d’altitude) au Nord de la Russie.

Copyright : modèle GFS via Météociel (simulation 12z du lundi 24 décembre 2018).

Après un displacement event fin décembre 2018, nous avons assisté un splitting event début janvier 2019 : le vortex polaire s'est divisé en plusieurs parties.

Copyright : modèle GFS via Météociel (simulation 12z du samedi 05 janvier 2019).

Ce 13 janvier 2019, le vortex polaire stratosphérique a tendance à se re-concentrer vers l'Amérique du Nord.

Copyright : modèle GFS via Météociel (simulation 06z du dimanche 13 janvier 2019).

Vers le 20 janvier, on pourrait retrouver un vortex polaire plus concentré et un peu plus solide vers le Pôle Nord.

Copyright : modèle GFS via Météociel (simulation 06z du dimanche 13 janvier 2019).

Après avoir changé de sens début janvier, les vents zonaux stratosphériques devraient progressivement rechanger de sens, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous (forte baisse des vents zonaux d’Ouest à 10 hPa début janvier puis possible réactivation fin janvier).

Vents zonaux à 10 hPa (copyright : HANNAH E. ATTARD).

Depuis plusieurs jours, les effets de la stratosphère à la troposphère restent assez faibles et très changeants d'un modèle à l'autre. On remarque sur le graphique ci-dessous une lente propagation vers le bas de la stratosphère (changement progressif de la circulation atmosphérique). Dans cette dernière, le Northern Annular Mode (NAM) reste négatif (vents zonaux inversés) alors que dans la troposphère il est plutôt positif. A l'heure actuelle, nous n'observons pas de nette propagation jusqu'à la troposphère même si à long terme, on pourrait observer quelques effets sur le vortex troposphérique avec une modification de la circulation atmosphérique, notamment en dernière décade de janvier. Ainsi, des conditions plus hivernales pourraient éventuellement se mettre en place sur l'Europe.

Propagation de la NAM- de la stratosphère à la troposphère (copyright : modèle GFS via Z. D. Lawrence (NMT)).

On observe d'ailleurs ce changement de circulation atmosphérique sur la basse stratosphère (vers 50 hPa) avec une baisse des vents zonaux d'Ouest.

Vents zonaux à 50 hPa (copyright : modèle GFS via Z. D. Lawrence (NMT)).

Cette baisse des vents zonaux pourrait alors permettre aux hautes pressions de monter vers les hautes latitudes (Scandinavie, Groenland) et favoriser un temps plus hivernal sur les moyennes latitudes (Europe).

Vers une Oscillation Nord Atlantique négative ?

L'Oscillation Nord-Atlantique (NAO) représente la différence de pression entre les Açores et l'Islande.

Effets de l'anomalie positive et négative de l'ONA sur les systèmes météorologiques (copyright : Martin Visbeck et Heidi Cullen et Pierre_cb).

En hiver, plus la différence de pression est grande entre l'anticyclone des Açores et les dépressions vers l'Islande, plus la NAO est positive (30% des régimes en Europe). On observe alors un courant d'Ouest perturbé avec de fréquentes perturbations pluvieuses et venteuses sur l'Europe (notamment sur la partie Nord). Les températures sont alors généralement douces et l'influence est majoritairement océanique. A contrario, moins la différence de pression est grande entre l'anticyclone des Açores et les dépressions vers l'Islande, plus la NAO est négative (20% des régimes en Europe). On constate alors que le courant d'Ouest reste peu actif voire inopérant : l'anticyclone des Açores et les dépressions près de l'Islande changent de place et peuvent même s'inverser. Dans ce cas de figure, le flux peut s'orienter au Nord/Nord Est voire à l'Est, ramenant le froid en Europe de l'Ouest. Comme les hautes pressions remontent vers le Pôle Nord, le vortex polaire est chamboulé et on peut alors observer un displacement event ou un splitting event. Les autres régimes en Europe sont les dorsales (23% des régimes en Europe) et les blocages (27% des régimes en Europe).

Anomalie journalière de pression de surface (millibar) correspondant aux quatre régimes de temps d'hiver (de novembre à mars) sur l'Atlantique Nord. Le pourcentage représente l'occurrence moyenne de ces régimes sur la période 1974-2007 (copyright : CNRS).

Au 10 janvier 2019, les dernières tendances s'orienteraient vers une NAO- vers la fin du mois de janvier, ce qui serait favorable à un temps plus hivernal. Un flux d'Ouest à Sud Ouest perturbé reste peu probable.

Tendance des régimes de temps.

Evolution / tendance de la NAO (copyright : NOAA).

L'influence de la MJO

L'oscillation de Madden-Julian (MJO) est un phénomène atmosphérique tropical sous forme d'une onde que l'on retrouve dans les océans Indien et Pacifique.

Evolution de la MJO entre 30 et 60 jours (copyright : CPC / NOAA).

L'oscillation de Madden-Julian se déroule en 8 phases.

Les 8 phases de la MJO (copyright : NOAA).

Lors de la première décade de janvier 2019, la MJO est passée par une phase 8 active alors qu'elle est plutôt inopérante ce 13 janvier 2019 (proche du centre).

Phases de la MJO via le modèle GFS (copyright : CPC / NOAA).

Généralement, lorsque la MJO passe par la phase 8, les effets se montrent une dizaine de jours plus tard en moyenne. Cette phase est favorable à un régime de dorsale dans l'Atlantique.

Table de contingence entre les phases de la MJO (lignes) et les régimes Nord Atlantique (colonnes) en fonction du déphasage (abscisse) entre les deux, exprimé en jours (MJO en avance). La valeur d"une barre correspond au changement de probabilité d"occurrence (exprimé en %) d"un régime donné pour une phase de MJO donnée, à un déphasage particulier. 100% signifie que le régime pour cette phase de la MJO et pour ce déphasage donné est excité deux fois plus que la normale, 0 étant alors l'occurrence climatologique, -100% voulant dire que le régime n'est alors jamais excité. Les barres transparentes correspondent aux valeurs de changement de probabilité non significatives en terme statistique. Soit par exemple la phase 3. À déphasage 0, i.e. simultanément, le nombre de jours où le régime NAO- apparaît correspond à son occurrence moyenne climatologique (valeur proche de 0%). Il en est de même pour le régime NAO+, alors que le régime de dorsale (ou blocage) a une probabilité plus faible (ou forte) d'être excité (environ 25%). À déphasage +12 jours, correspondant au régime Atlantique 12 jours après la phase 3 de la MJO, on note une probabilité d'occurrence de la NAO- qui est diminuée de près de 30%, alors les chances pour le régime NAO+ sont augmentées d'environ 55%, les régimes de dorsale et de blocage étant peu affectés. Ces changements de probabilité suggèrent une influence de la phase 3 de la MJO sur la NAO privilégiant sa phase positive quelques jours plus tard. De la même manière, les phases 6 et 7 de la MJO tendent à exciter préférentiellement, 10 à 12 jours après, les phases négatives de la NAO, au détriment des régimes NAO+ (copyright : CNRS).

Vers la fin janvier 2019, la MJO serait inopérante puis repasserait progressivement en phases 4, 5 et 6 ce qui serait dans un premier temps moins favorable à un régime de dorsale.

Vers une Oscillation Arctique négative ?

L'Oscillation Arctique (AO) est quasi identique à l'Oscillation Nord Atlantique (NAO) et fonctionne sur les mêmes critères (différence de pression entre le Nord et le Sud de l'hémisphère Nord).

Plus la pression atmosphérique au niveau du pôle est basse, plus l'oscillation arctique est positive. On observe alors un jet stream très actif en altitude avec un courant d'Ouest perturbé (zonal) amenant de fréquentes perturbations pluvieuses et venteuses sur l'Europe (notamment sur la partie Nord). A l'inverse, plus la pression atmosphérique au niveau du pôle est haute, plus l'oscillation arctique est négative. Le jet stream est alors très faible et se déforme / ondule.

Lors d'une AO+, le vortex polaire est très concentré et solide. A contrario, lors d'une AO-, il est instable et à tendance à se déplacer voire à se diviser.

Selon les dernières tendances, une Oscillation Arctique très négative se profilerait pour la fin janvier. Cette prévision serait favorable à des coulées d'air froid aux moyennes latitudes et donc en Europe.

Evolution / tendance de l'OA (copyright : NOAA).

Tendances et perspectives pour fin janvier 2019 et février 2019

Les dernières sorties des modèles saisonniers (long terme) sont plutôt favorables à des températures inférieures aux moyennes de saison pour la fin janvier et début février.

La semaine du 14 au 20 janvier 2019 sera primordiale pour voir de quels côtés la "balance" va pencher. Les hautes pressions pourraient remonter vers le Groenland vers le 20 janvier, favorisant une coulée d'air froid sur l'Europe. Le modèle ECMWF/IFS montre cette éventualité. On voit que le vortex polaire serait malmené aux hautes latitudes avec une puissante poussée anticyclonique vers l'Alaska et un peu plus faible sur l'Atlantique.

Copyright : modèle ECMWF via Météociel (simulation 12z du dimanche 13 janvier 2019).

Ce 13 janvier 2019, la fiabilité reste encore assez mauvaise et il convient de rester prudent sur l'évolution de la situation. Une fenêtre bien hivernale pourrait s'ouvrir fin janvier mais rien n'est encore acquis. Il ne sert absolument à rien d'entrevoir une vague de froid ou le risque neigeux à une échéance encore très lointaine. Pour rappel, on estime le risque neigeux seulement 3 à 4 jours à l'avance voire même 12 à 24h avant l'épisode afin d'être plus précis sur la prévision. La démonstration ci-dessus ne présente que des indices et paramètres nous permettant de nous faire une idée / une tendance sur les semaines à venir. D'autres indices seront aussi à prendre en compte dans les jours qui viennent pour affiner notre prévision. Vous l'aurez compris, un potentiel de froid non négligeable est à suivre fin janvier (NAO- et OA- possibles entres autres) mais rien n'est bien calé et de nombreuses incertitudes demeurent encore à ce jour.

Nos prévisionnistes surveillent avec attention l’évolution de la situation et vous tiendront informés en cas d’événement hivernal important à venir…

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